AMES GRISES

AMES GRISES

A Maryse Condé

Tshal ! Tshal ! Pentagone !

Hamas ! Armée de résistance du Seigneur !

Vas-tu arrêter ce que tu fais ?

Qui te donne tant de zèle et d’enthousiasme ?

Et toi Hezbollah Hezbollah pas Allah!

Ta fougue arrivera jusqu’où ? Et tes zélotes ?

Notre souvenir n’est-il que tristesse ?

Qui pansera toutes ces blessures ?

Qui consolera toutes ces meurtrissures ?

Regarde Delphine ! Regarde le beau désespoir

Qui étend son large manteau sur le monde.

Regarde la peur qui gît en nous !

Regarde la crainte qui brûle dans nos entrailles !

Regarde la réclusion qui brise nos libertés !

Regarde la vengeance qui gît dans nos sangs !

Regarde la haine qui creuse ses sillons dans nos cœurs !

Regarde la mort qui gît dans nos vies !

Pourtant il faudra demain passer les alliances

Pourtant l’amour naîtra entre les peuples ennemis

Qui bouchera ces canyons béants

Qui lancent des éclairs de morts

Qui lancent de la poudre brûlante et calcinante

Sur des visages qui désirent du klorane !

Sur des visages qui désirent du nivéa

Ouf ! Vie, souffrance, mort

Trois trépieds pour une peine heureuse

Monde obscur, monde lumineux, monde à part.

O Delphine, ma mère ! Ma douce mère !

Pourquoi on nous brandit la misère

Comme des lauriers à un vainqueur

Quand nous rêvons de rêves heureux ?

O Delphine, ma mère ! Ma douce mère !

Sais-tu que quand il fera noir

Quand le jour sera amputé de sa vie

Le souffle de DIEU se sera envolé des siens

Dans les débris, les briques, les bétons et les fers !

Sais-tu que ma chère Delphine,

Quand le jour n’aura plus l’usage de ses yeux

L’amour de DIEU aura quitté ses enfants

Dans les souterrains, les terrains et les bunkers !

Ils marchent ! Ils marchent vers des vastes plaines !

Ces chenilles qui grimpent

Ces chenilles qui rampent !

C’est pour venir procréer la vie !

Ah, j’en ris ! Ah, Jean, j’en ris !

Et l’Apocalypse ! Et le nouveau  monde !

Partout la vie a suspendu son souffle :

N’y a qu’à voir le visage apeuré

De Bernard de Rome !

N’y a qu’à voir le timbre circonspect

D’Harrys Roselmack!

N’y a qu’à voir la voix froide

De Claire Chazal !

N’y a qu’à écouter l’émotion

De Dominique Rocke !

N’y a qu’à voir le front

D’Anne Marthe Mvoto !

N’y a qu’à écouter la voix étonnante

De Muriel Paradon !

O Delphine ! C’est l’été terrible !

Il mouche sans cesse sur Beyrouth !

Le cèdre ne poussera plus ! Hariri n’y est plus !

Seulement des tirs qui montent à Adoua !

Seulement des ultimatums thaumaturges !

Seulement des points de presse sans presse !

Ô Cana ! Ô Bagdad! Ô Bombay! Ô Mongomo !

Il gèle sur le monde! En attendant

Carter ! Gandhi ! Mandela ! Luther king ! Clinton

Nous embrassons les glaçons qui nous tuent !

Le sang reposera sur nos petits fils.